Articles métiers
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Abus dans l’exercice du droit de révocation du dirigeant d’une filiale licencié par la société mère
La filiale qui révoque son président à la suite de son licenciement comme salarié de la société mère sans respecter le contradictoire commet une faute, même s’il existe une unité entre sa fonction salariée et celle de dirigeant.
Une personne est embauchée
par une société mère en tant que directeur du développement et nommée
président d’une filiale comme le prévoit son contrat de travail. Elle se voit ensuite confier la présidence d’une seconde filiale. Licenciée
pour faute grave de son poste de directeur, elle est ensuite révoquée
de ses mandats sociaux.L’ancien président demande alors des dommages-intérêts aux filiales pour violation de leur obligation de loyauté
au moment de sa révocation, soutenant ne pas avoir eu connaissance des motifs de celle-ci et ne pas avoir été en mesure de présenter ses observations.La cour d’appel de Paris lui donne raison et juge que ces révocations sont entachées d’abus. Rien ne prouve que le président a été averti de la cessation de ses fonctions
avant que les décisions soient prises et qu’il a été en mesure de présenter ses observations
devant les organes sociaux avant sa révocation. En conséquence, les sociétés ont manqué au respect du principe du contradictoire. La circonstance qu’il existe une unité de fonctions
comme directeur du développement de la société mère et président des deux filiales n’est pas susceptible de dispenser ces dernières d’aviser leur président des conséquences de la rupture de son contrat de travail sur ses mandats sociaux et de recueillir ses observations sur sa révocation préalablement à celle-ci, peu important que la révocation puisse intervenir sans juste motif conformément aux statuts.
Chaque société est condamnée à verser au dirigeant 4 000 € de dommages-intérêts et 2 000 € au titre des frais de procédure (CPC art. 700).à noter :
Dans une affaire similaire, où il était question à la fois du juste motif de révocation du dirigeant et du respect par les filiales de leur obligation de loyauté dans l’exercice du droit de révocation, la cour d’appel de Paris avait jugé qu’il ne pouvait pas être déduit du cumul d’un contrat de travail et de mandats sociaux
au sein d’un groupe que les mandats sociaux exercés au sein des filiales étaient l’accessoire du contrat de travail, notamment parce que ce lien ne figurait ni dans le contrat de travail, ni dans les statuts des filiales, ni dans les actes de désignation aux fonctions de dirigeant par les différentes assemblées générales ; elle en avait déduit que le contrat de travail et les mandats sociaux
étaient distincts
et que la rupture du contrat de travail n’avait pas d’influence sur les mandats sociaux qui devaient être révoqués dans les conditions prévues par le droit des sociétés (CA Paris 24-10-2013 n° 12/15029 : RJDA 3/14 n° 227 et, sur pourvoi, Cass. com. 3-3-2015 n° 14-12.036 F-D : RJDA 7/15 n° 494).
Au cas particulier, seule l’obligation de loyauté des filiales était en cause puisque la révocation pouvait intervenir au sein de chacune d’elles sans juste motif. La cour d’appel de Paris retient la responsabilité des sociétés tout en admettant qu’il existait une unité des fonctions salariées et sociales
au sein du groupe, l’exercice d’un des deux mandats étant même prévu par le contrat de travail du salarié.
A s’en tenir à cet arrêt, la question ne se pose donc plus de savoir si le contrat de travail et les mandats sociaux sont distincts ou au contraire s’il existe une unicité des fonctions : dans tous les cas,
le devoir de loyauté dans l’exercice du droit de révocation doit être respecté.© Copyright Editions Francis Lefebvre
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Inaptitude à tout poste : il faut demander des précisions au médecin du travail sur le reclassement
Quand un salarié est déclaré inapte à tout poste dans l’entreprise par le médecin du travail, l’employeur a tout intérêt à solliciter des précisions du médecin sur le reclassement. Deux décisions la Cour de cassation en témoignent.
Les deux décisions du 11 janvier 2017 illustrent l’intérêt, pour l’employeur, de solliciter des précisions du médecin du travail sur les possibilités de reclassement du salarié déclaré inapte.
Le médecin du travail peut indiquer que le reclassement est impossible
Le premier arrêt (n° 15-22.485) est l’occasion pour la Cour de cassation de réaffirmer un principe adopté récemment.
A réception d’un avis d’inaptitude du salarié à tout emploi dans l’entreprise, qui ne dispense pas de l’obligation de reclassement, l’employeur peut se rapprocher du médecin du travail en vue d’obtenir des précisions. Si, dans sa réponse, ce dernier exclut toute possibilité de reclassement
dans l’entreprise, l’employeur peut se considérer dans l’impossibilité de proposer un poste au salarié : en effet, une telle offre ne serait pas conforme aux préconisations du médecin. Le licenciemen
t
pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement peut donc être envisagé (Cass. soc. 24-6-2015 nos 14-10.163 F-D et 13-27.875 F-D ; Cass. soc. 15-12-2015 n° 14-11.858 F-PB ; Cass. soc. QPC 13-1-2016 n° 15-20.822 FS-PB).C’est précisément la procédure qu’a appliquée, en l’espèce, l’employeur. Il a sollicité des précisions du médecin du travail, qui lui a confirmé par écrit que le reclassement du salarié inapte, classé en invalidité de 2e catégorie, n’était pas possible. Les juges, qui ont constaté que l’employeur a loyalement cherché un poste
au sein du groupe, en vain, ont considéré qu’il a rempli son obligation de reclassement.Le médecin du travail peut fixer un cadre strict à la recherche de poste
Dans le second arrêt (n° 15-11.314), le salarié a été déclaré inapte à tout poste au sein de l’établissement de Valence, où il était employé. L’employeur a pris contact avec le médecin du travail afin d’obtenir des indications sur les postes de reclassement susceptibles de convenir. Ce dernier a répondu par courrier conseillant à l’employeur de rechercher des postes hors Valence, “sur le site de Ruelisheim, par exemple”. Le seul poste disponible
sur ce site a été proposé au salarié, qui l’a refusé.
Concluant à l’impossibilité de le reclasser, l’employeur a prononcé un licenciement.Le salarié a saisi le juge prud’homal : selon lui, l’employeur a manqué à son obligation de reclassement en s’en tenant strictement aux termes du courrier du médecin du travail et en ne lui proposant pas de postes au sein de ses autres établissements. Il est débouté par la cour d’appel, dont la décision est approuvée par la Cour de cassation.
Ainsi, le médecin du travail, en précisant les caractéristiques de l’emploi de reclassement postérieurement à l’avis d’inaptitude physique, a fixé un cadre pour la recherche incombant à l’employeur. Dès lors que ce dernier a proposé au salarié tous les postes disponibles et conformes aux dernières préconisations en date du médecin
, il a rempli son obligation de reclassement. Face au refus du salarié du seul poste remplissant ces critères, il a pu engager la procédure de licenciement.A noter :
L’article 102 de la loi 2016-1088 du 8 août 2016 (loi “Travail”) et son décret d’application 2016-1908 du 27 décembre 2016 entendent favoriser l’instauration d’un dialogue entre le médecin du travail, le salarié et l’employeur en amont de la constatation de l’inaptitude physique du salarié. Depuis le 1er janvier 2017, un tel constat est en effet obligatoirement précédé d’échanges entre les parties, permettant à chacun de faire valoir ses observations notamment sur les préconisations de reclassement du salarié inapte. L’avis d’inaptitude physique doit être éclairé d’indications écrites relatives au reclassement et tenant compte, en principe, de ces échanges. Ainsi, certains litiges comme ceux ayant donné lieu aux arrêts ci-dessus pourraient être évités.© Copyright Editions Francis Lefebvre
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Reporter d’un mois le paiement de primes exigibles à la date de paiement du salaire est illicite
Reporter au mois suivant le paiement de primes de nuit, primes d’astreinte ou heures supplémentaires exigibles à la date de paiement du salaire est contraire à l’article L 3242-1 du Code du travail.
Le paiement
de la rémunération est en principe effectué une fois par mois
(C. trav. art. L3242-1).Cela n’empêche pas de verser certaines rémunérations selon une périodicité différente, la Cour de cassation jugeant que l’article L 3242-1 du Code du travail ne peut pas être invoqué pour les éléments de la rémunération qui, en raison de leur mode d’acquisition, constituent une créance subordonnée à une condition ou affectée d’un terme (Cass. soc. 25-2-1988 n° 84-41.288). Ainsi en est-il, par exemple, des gratifications annuelles
(Cass. soc. 18-6-1981 n° 79-15.641), du règlement d’un pourcentage sur le chiffre d’affaires, habituellement effectué après clôture de l’exercice annuel (Cass. soc. 25-2-1988 n° 84-41.288), ou de commissions
dont le délai d’acquisition
n’est pas écoulé, si bien que la créance du salarié n’est ni certaine ni liquide ni exigible (Cass. soc. 22-5-2002 n° 00-41.876).Dans l’affaire jugée par la Cour de cassation dans l’arrêt du 19 octobre 2016, l’employeur différait le paiement au mois suivant de diverses primes, telles que primes de nuit
, primes d’astreinte
, primes de dimanche et jour férié
, ou encore la rémunération des heures supplémentaires
ou heures complémentaires. Ces sommes ne répondent pas à la définition jurisprudentielle des éléments de rémunération dont le paiement peut être plus espacé qu’une fois par mois. Les juges du fond, approuvés par la Haute Cour, ont jugé que la décision de l’employeur d’en reporter le paiement alors qu’ils étaient exigibles à la date de paiement du salaire était illicite.L’employeur a ainsi l’obligation de payer aux salariés l’intégralité des accessoires de salaire en même temps que le salaire de base du mois au cours duquel est né le droit à ces accessoires.
Par cet arrêt, la Cour de cassation revient sur la solution adoptée dans un arrêt ancien et isolé, ayant admis que le paiement des heures supplémentaires et jours fériés avec un décalage dans le temps résultant de l’organisation du service de paie et de la pratique en vigueur dans l’entreprise ne constituait pas un manquement de l’employeur à ses obligations (Cass. soc. 7-4-1999 n° 96-45.601).
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Frais de carburant pour 2016 : barèmes en baisse
Les barèmes à retenir pour l’évaluation des frais de carburant supportés en 2016 dans des déplacements professionnels viennent d’être publiés.
Dans une mise à jour de sa base Bofip en date du 1er février 2017, l’administration actualise les barèmes qui doivent être utilisés pour l’évaluation forfaitaire des frais de carburant exposés en 2016 lors des déplacements professionnels des exploitants individuels tenant une comptabilité super-simplifiée
, ainsi que des exploitants agricoles exerçant leur activité à titre individuel soumis au régime simplifié d’imposition.Ces barèmes peuvent également être utilisés :
– par les titulaires de BNC
pour les véhicules pris en location ;– par les associés de sociétés de personnes
qui exercent leur activité professionnelle au sein de la société pour l’évaluation des frais exposés quotidiennement pour se rendre de leur domicile à leur lieu de travail ;– dans certaines limites, par les salariés
.Véhicules de tourisme
Puissance fiscale des véhicules de tourisme
Gazole
Super sans plomb
GPL
3 et 4 CV
0,061 €
0,086 €
0,053 €
5 à 7 CV
0,075 €
0,106 €
0,065 €
8 et 9 CV
0,090 €
0,125 €
0,078 €
10 et 11 CV
0,101 €
0,141 €
0,088 €
12 CV et plus
0,112 €
0,157 €
0,098 €
Vélomoteurs, scooters et motocyclettes
Puissance fiscale des véhicules deux-roues motorisés
Frais de carburant au kilomètre
Inférieure à 50 CC
0,028 €
De 50 CC à 125 CC
0,057 €
3 à 5 CV
0,072 €
Au-delà de 5 CV
0,099 €
© Copyright Editions Francis Lefebvre
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Une cession de parts n’entraîne pas la cession du compte courant d’associé
La cession de parts sociales n’emporte pas cession du compte courant du cédant en l’absence d’accord des parties, peu important que le prix de cession des parts ait été déterminé en fonction du compte.
Un associé d’une SARL cède ses parts
puis demande à la société le remboursement de son compte courant
.Pour rejeter cette demande, la cour d’appel de Paris retient que le compte courant a été cédé avec les parts dont la cession était indissociable de celle du compte, après avoir constaté que le compte courant faisait partie des négociations et qu’il a été pris en compte pour la détermination du prix de cession des parts. Elle ajoute que seul l’acquéreur est tenu de rembourser le compte et non la société qui n’était pas partie à la cession.
La Cour de cassation censure cette décision. La cession des parts n’emporte pas cession du compte courant ouvert au nom du cédant et la cour d’appel n’a pas constaté l’existence d’un accord de cession portant sur le compte courant.
à noter :
Le compte courant ne résulte pas de la possession des parts sociales mais trouve son origine dans le prêt accordé par l’associé à la société. Il résulte d’une jurisprudence bien établie que, sauf stipulation contraire, la cession de parts sociales n’emporte pas cession du compte courant
du cédant. La stipulation d’un acte de cession par laquelle l’acquéreur est subrogé dans les droits et actions résultant de la possession des parts cédées n’emporte pas transfert du compte courant à l’acquéreur (Cass. com. 30-11-2004 n° 01-12.063 F-D : RJDA 3/05 n° 262).
En l’espèce, l’acte de cession comportait une clause relative à la détermination de la valeur des parts sociales par laquelle le cédant s’engageait à abandonner sa créance en compte courant jusqu’à parvenir à un équilibre entre les postes d’actif et de passif ayant servi au calcul de la valeur patrimoniale de la société. Cette stipulation relative au prix des parts est sans incidence sur le transfert du compte courant.© Copyright Editions Francis Lefebvre
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Une SEL non agréée ou non inscrite au tableau de l’ordre ne peut pas être immatriculée au RCS
Une société d’exercice libéral, même provisoirement sans activité, doit d’abord avoir obtenu son agrément ou son inscription sur la liste ou au tableau de l’ordre dont elle dépend pour pouvoir être immatriculée au registre du commerce et des sociétés.
L’immatriculation d’une société d’exercice libéral (SEL) au registre du commerce et des sociétés (RCS) ne peut intervenir qu’après l’agrément de celle-ci par l’autorité administrative compétente ou après son inscription sur la liste ou au tableau de l’ordre professionnel dont elle dépend (Loi du 31-12-1990 art. 3, al. 3).
Il en résulte, précise le Comité de coordination du RCS, que le greffier du tribunal ne peut pas immatriculer une SEL avant que celle-ci ait été agréée ou inscrite sur la liste ou au tableau de l’ordre professionnel, même
en indiquant au RCS qu’elle est provisoirement sans activité
.La question de savoir si une SEL peut obtenir son agrément ou son inscription alors qu’elle est appelée à rester provisoirement sans activité relève de l’autorité administrative ou professionnelle dont elle dépend et non du greffier du tribunal saisi de la demande d’immatriculation.
Une fois la justification de l’agrément ou de l’inscription fournie au greffier
, celui-ci ne peut qu’admettre la régularité de la constitution de la société au regard de la réglementation particulière qui lui est applicable. Il doit alors immatriculer la société, y compris lorsque celle-ci est déclarée comme provisoirement sans activité.à noter :
Les décrets relatifs à l’exercice de certaines professions sous forme de SEL prévoient que la demande d’inscription au tableau de l’ordre doit comprendre une attestation du greffier constatant le dépôt de la demande d’immatriculation
de la société. Celle-ci doit donc précéder la demande d’inscription
. Après l’inscription de la SEL, les associés doivent adresser au greffier une « ampliation » de la décision d’inscription, au vu de laquelle le greffier procédera à l’immatriculation (notamment, Décret du 25-3-1993 sur les SEL d’avocats ; Décret du 30-12-1992 sur les SEL d’huissiers de justice ; C. com. art. R 814-60 s. sur les SEL de mandataires et d’administrateurs judiciaires ; CSP art. R 4113-1 s. sur les SEL de professions médicales).
Pour d’autres professions, la demande d’inscription n’est pas subordonnée au dépôt préalable de la demande d’immatriculation (par exemple, architecte et géomètre-expert : Décrets 92-618 et 92-619 du 6-7-1992 ; conseil en propriété industrielle : CPI art. 422-41 s.). Il n’en reste pas moins que la SEL constituée pour leur exercice ne peut pas être immatriculée avant d’avoir obtenu l’inscription sur la liste ou au tableau de l’ordre concerné.© Copyright Editions Francis Lefebvre
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Absence de confusion de patrimoines entre vendeur et acquéreur d’un fonds de commerce
Une vente de fonds de commerce pour un prix qui n’est pas disproportionné par rapport au chiffre d’affaires à venir du fonds et qui est payable pour partie en plusieurs mensualités ne crée pas une relation financière anormale entre le vendeur et l’acquéreur.
La promesse de vente d’un fonds de commerce en location-gérance prévoit la vente du fonds au locataire-gérant pour un prix de 400 000 € payable pour partie en 36 mensualités de 2 550 € (soit 91 800 €) et pour le solde au jour de la signature de l’acte de vente devant intervenir trois ans plus tard. Au bout de sept ans et alors que le locataire-gérant a payé 269 000 € sur le prix de vente, le vendeur le somme de signer l’acte de vente. Le locataire-gérant, en difficulté financière, ne régularise pas la vente et est mis en liquidation judiciaire. Le liquidateur judiciaire demande alors que la liquidation soit étendue au vendeur du fonds en faisant valoir que les conditions
de la vente sont désavantageuses pour l’acquéreur
et qu’elles caractérisent une relation financière anormale
constitutive d’une confusion de patrimoines entre celui-ci et le vendeur.Après avoir rappelé que des transferts patrimoniaux non justifiés entraînant un déséquilibre significatif constituent une relation financière anormale, la cour d’appel de Paris rejette cette demande en retenant qu’une telle relation n’est pas établie : en l’espèce, ne sont pas en cause des transferts de fonds inexpliqués et systématiques mais uniquement la promesse de vente qui s’est avérée désavantageuse pour le locataire-gérant en raison de sa défaillance à régulariser la vente ; même si le chiffre d’affaires généré par l’exploitation du fonds était peu important au jour de la conclusion de la promesse, le prix de vente
ne paraît pas disproportionné car, compte tenu des potentialités du fonds, le locataire-gérant a réalisé 425 000 € de chiffre d’affaires quatre ans plus tard ; les modalités de paiement
du prix ne sont pas dépourvues d’intérêt pour l’acquéreur, qui avait la jouissance du fonds, et ne caractérisent pas une volonté de l’appauvrir ; la clause pénale
prévue dans la promesse, qui permettait au vendeur de conserver les sommes versées en l’absence de régularisation de la vente par l’acquéreur, n’est pas contraire aux usages.à noter :
Pour que des relations financières soient jugées anormales, il faut qu’elles soient incompatibles avec des obligations contractuelles réciproques normales (Cass. com. 27-9-2016 n° 14-29.278 F-PB : BRDA 20/16 inf. 10), ce qui n’était pas le cas en l’espèce. Le fait pour l’acquéreur d’un fonds d’avoir financé l’achat du fonds par un crédit-vendeur et d’avoir usé de la faculté offerte par l’acte de vente de rembourser le prix par anticipation ne caractérise pas non plus l’existence de relations financières anormales entre lui et le vendeur (Cass. com. 29-9-2015 n° 14-14.705 F-D : BRDA 21/15 inf. 13).© Copyright Editions Francis Lefebvre
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Une femme divorcée n’a pas à être informée des délais de paiement accordés à son ex-mari
L’administration peut poursuivre le recouvrement de l’impôt contre tout débiteur solidaire sans être obligée de lui notifier les actes qui attestent d’une reconnaissance de dette émanant de l’un d’entre eux.
Les modalités de règlement de l’impôt
accordées à un ex-époux ne déchargent en rien l’autre époux de son obligation de payer l’impôt sur le revenu correspondant à la période pendant laquelle ils étaient mariés.Chacun des versements effectués par celui qui a obtenu l’étalement du paiement de l’impôt sur le revenu restant dû par l’ancien couple, conformément au plan de règlement fixé, vaut reconnaissance de dette et, à ce titre, interrompt la prescription de l’action en recouvrement.
Cette interruption de la prescription
vaut à l’égard de chacun des ex-époux solidaires (C. civ. art. 2245), mais l’administration n’est pas pour autant tenue d’informer l’ex-épouse des modalités de paiement de la dette qui ont été accordées à son ex-époux.Plus largement, le Conseil d’Etat indique que l’administration peut poursuivre le recouvrement de l’impôt contre tout débiteur solidaire
sans être obligée de lui notifier les actes qui attestent de l’interruption de la prescription résultant d’une reconnaissance de dette émanant de l’un d’entre eux.© Copyright Editions Francis Lefebvre
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Les seuls organes dirigeants de la SAS sont ceux prévus par les statuts
Les statuts d’une société par actions simplifiée issue de la transformation d’une société anonyme ne mentionnent pas de conseil d’administration. Les membres du conseil en poste avant la transformation n’ont donc pas conservé leur qualité d’administrateur.
Dans la mesure où elles sont compatibles avec les dispositions particulières prévues par le Code de commerce sur les sociétés par actions simplifiées (SAS), les règles concernant les sociétés anonymes (SA) sont applicables à la SAS, à l’exception notamment de celles relatives à la direction et à l’administration de la société (C. com. art. L 227-1, al. 3). Les statuts fixent les conditions dans lesquelles la SAS est dirigée (art. L 227-5).
Il résulte de la combinaison de ces textes, vient de préciser pour la première fois
la Cour de cassation, que seuls les statuts de la société fixent les conditions dans lesquelles celle-ci est dirigée.Ce principe
a été dégagé dans l’affaire suivante : un administrateur de SA cède sa participation
majoritaire dans la société par un protocole prévoyant la révision à la baisse du prix de cession en cas de diminution du chiffre d’affaires si le cédant est maintenu à son poste d’administrateur ; après transformation de la société en SAS
, l’acquéreur, invoquant une baisse du chiffre d’affaires, se prévaut de la clause de réduction de prix.Une cour d’appel lui donne raison et considère la clause applicable au cédant en relevant que, même si les statuts de la SAS ne font pas référence à un conseil d’administration, les documents produits aux débats, dont rien n’autorise à remettre en cause la sincérité, attestent du maintien du conseil au sein de la société après sa transformation et démontrent que le cédant a conservé la qualité d’administrateur.
A tort, juge la Cour de cassation, qui censure cette décision. Les statuts de la SAS
ne font pas mention d’un conseil d’administration
, si bien que le cédant
n’a pas conservé sa qualité d’administrateur
à la suite de la transformation et que la clause ne lui est pas applicable.à noter :
Les statuts sont la loi des parties au contrat de société. La SAS est certes obligatoirement dotée d’un président pour la représenter (C. com. art. L 227-6, al. 1) mais les autres organes de direction ou d’administration sont librement déterminés par les statuts.
Par la précision inédite qu’il apporte, l’arrêt ci-dessus, promis à une large publication, renforce l’importance donnée aux statuts dans l’organisation de la société puisque seuls les organes de direction qu’ils instituent font partie de cette organisation, à l’exclusion de tout autre qui serait prévu par d’autres dispositions (par exemple, celles d’un pacte d’actionnaires ou d’un règlement intérieur) ou, comme en l’espèce, par les pratiques en cours au sein de la société (issues, en l’occurrence, d’une « survivance » de l’ancienne SA).
La portée du principe
ci-dessus mérite d’être nuancée : « les conditions dans lesquelles la société est dirigée » doivent être entendues comme les organes de direction de la société. Ce principe ne remet donc pas en cause la possibilité de préciser certaines modalités de fonctionnement de ces organes dans un règlement intérieur ou un pacte d’actionnaires.La Cour de cassation a déjà jugé que c’est par référence aux statuts
que doit être réglée la question de savoir si la société peut confier à un tiers le soin d’assurer sa direction générale au moyen d’une convention de prestation de services (Cass. com. 24-11-2015 n° 14-19.685 : BRDA 23/15 inf. 1). La solution ici retenue se situe dans le prolongement de cette décision.
Une autre raison milite en faveur de cette solution : il est admis que la transformation
d’une société met fin aux fonctions des organes d’administration ou de surveillance de la société (CA Paris 22-9-2015 n° 14/12205 : RJDA 12/15 n° 833). Le maintien du cédant à son poste d’administrateur allait à l’encontre de cette règle.© Copyright Editions Francis Lefebvre
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Licenciement pour inaptitude après accident du travail : quel régime pour l’indemnité compensatrice de préavis ?
La Cour de cassation juge que l’indemnité compensatrice de préavis due au salarié licencié en raison de son inaptitude faisant suite à un accident du travail est assujettie à cotisations.
Elle confirme ainsi une jurisprudence ancienne (Cass. soc. 4-10-1990 n° 88-16.990 P : RJS 11/90 n° 919) et la doctrine administrative (Circ. Acoss 2001-22 du 25-1-2001 n° 21).
Elle rappelle que selon le dernier alinéa de l’article L 242-1 du CSS, les indemnités versées à l’occasion de la rupture du contrat de travail intervenant à l’initiative de l’employeur sont assujetties aux cotisations sociales dès lors qu’elles constituent une rémunération imposable en application de l’article 80 duodecies du CGI. Il en résulte que l’indemnité compensatrice versée aux salariés licenciés pour inaptitude à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, nonobstant son caractère indemnitaire, est soumise à cotisations dans la mesure où, en application de l’article 80 duodecies du CGI, elle est assujettie à l’impôt sur le revenu.
En effet, l’article 80 duodecies du CGI assujettit à l’impôt toute indemnité versée à l’occasion de la rupture du contrat de travail, sous réserve de certaines exceptions, parmi lesquelles ne figure pas l’indemnité compensatrice versée en application de l’article L 1226-14 du Code du travail aux salariés licenciés pour inaptitude à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.
© Copyright Editions Francis Lefebvre