Articles métiers
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Une société peut rétracter son offre d’embauche si le bénéficiaire n’a pas répondu dans les délais
Le salarié d’une entreprise de travail temporaire, mis à disposition d’une entreprise utilisatrice, avait reçu une offre d’embauche de cette dernière précisant le poste envisagé, la date d’entrée en fonction et le salaire proposé. Cette offre avait l’apparence d’une promesse d’embauche. Mais, en même temps, elle imposait au candidat de donner sa réponse dans un délai déterminé. Ce qu’il n’a pas fait. En conséquence, il ne pouvait pas se prévaloir d’une promesse d’embauche valant contrat de travail et prétendre à des dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat lorsque l’employeur a finalement retiré son offre.
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La modification d’une clause statutaire d’exclusion requiert l’accord de tous les associés
Les statuts d’une SARL prévoyaient qu’un associé pouvait être exclu pour motifs graves aux conditions fixées pour la modification des statuts et précisaient que constituaient de tels motifs la violation des statuts et le défaut de règlement de sommes dues à la société. Par décision prise à la majorité requise pour modifier les statuts, quatre cas d’exclusion avaient été ajoutés : la mise en œuvre d’actions visant à menacer l’existence de la société, le fait de mettre en péril sa survie, l’exercice d’une activité professionnelle concurrente à l’activité de la société et la participation au capital d’une société concurrente.
Un associé qui avait été exclu en application de cette clause avait demandé l’annulation de la décision ayant modifié les statuts et de celle ayant prononcé son exclusion.
La cour d’appel de Paris a fait droit à sa demande. Les nouveaux cas d’exclusion, et notamment l’exercice d’une activité concurrente, portaient atteinte à la liberté du commerce et du travail, en ce que les associés pouvaient être contraints de revoir ou restreindre leur activité professionnelle ; c’est ce qui est advenu pour l’associé exclu dont l’activité était identique à celle de la société qui en était parfaitement informée et qui se l’était vu reprocher au regard de la nouvelle rédaction de la clause d’exclusion.
Cette réduction de la liberté du commerce et du travail caractérisait une augmentation des engagements des associés qui nécessitait d’être adoptée à l’unanimité et non à la majorité (article L 223-30, al. 5 du Code du commerce).
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Le défaut de consultation du CHSCT peut priver d’effet une modification du règlement intérieur
Le règlement intérieur d’une entreprise ne peut être modifié qu’après consultation du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) pour les matières relevant de sa compétence.
La Cour de cassation confirme que la modification du règlement sans respect de cette obligation est inopposable aux salariés.
En l’espèce, alors que le règlement intérieur prévoyait l’interdiction du port des vêtements de travail en dehors du lieu et des heures de travail, l’employeur avait introduit une exception permettant à certains salariés de venir et de repartir du travail en portant leur tenue de travail, afin de ne plus devoir leur payer le temps d’habillage et de déshabillage.
Mais un salarié astreint au port d’une blouse réclamait le paiement de ce temps sur la base de la disposition originelle du règlement intérieur. Il obtient gain de cause, la modification du règlement n’ayant pas été précédée de la consultation du CHSCT.
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Réforme des plus-values mobilières : Bercy persiste et signe !
Les lois de finances pour 2013 et pour 2014 ont profondément réformé le régime d’imposition des plus-values de cession de titres réalisées par les particuliers : auparavant soumises à une taxation forfaitaire, ces plus-values sont, depuis 2013, imposées au barème progressif de l’impôt sur le revenu après application d’un abattement pour durée de détention.
Les premiers commentaires administratifs de cette réforme, publiés le 14 octobre 2014, ont fait l’objet, pour certains, d’une consultation publique jusqu’au 14 novembre 2014. Très attendus, les commentaires définitifs ont été intégrés le 20 mars 2015 dans la base Bofip. Ils reprennent globalement ceux mis en ligne à l’automne dernier.
Ainsi, en dépit des vives critiques formulées par certains praticiens, l’administration confirme notamment que les abattements pour durée de détention (de droit commun, renforcé et/ou fixe) s’appliquent non seulement aux plus-values mais également aux moins-values. Elle confirme également que les plus-values placées en report d’imposition avant 2013 ne bénéficient pas des abattements, pas plus que les compléments de prix se rapportant à des cessions antérieures à 2013.
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La requalification en un CDI de CDD conclus avec le cédant produit effet à l’égard du cessionnaire
Une salariée, employée par une association familiale en vertu de 183 contrats à durée déterminée (CDD) successifs, demande la requalification de ceux-ci en un contrat à durée indéterminée (CDI) et le paiement d’indemnités de rupture à l’encontre tant de cette association, en liquidation judiciaire, que de l’association ayant repris l’activité dans le cadre de la procédure collective et poursuivi le dernier contrat jusqu’à son terme, sans le reconduire ensuite.
La cour d’appel met hors de cause l’association cessionnaire. A tort, pour la Cour de cassation. En effet, pour déterminer qui a pris l’initiative et doit supporter les conséquences de la rupture d’un contrat, il convient de se placer à la date de celle-ci et non au jour de la conclusion du ou des contrats irréguliers. La requalification de CDD en CDI produisant effet à l’égard du cessionnaire, ce dernier, en refusant de conserver le salarié à son service à la fin du dernier CDD, sans procéder à un licenciement, rompt sans cause réelle et sérieuse la relation contractuelle.
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Une clause qui prévoit une indemnité de résiliation anticipée est une clause pénale
Une société avait conclu avec un opérateur de transmission audiovisuelle un contrat de prestation de service ayant pour objet la captation et la transmission du signal d’un bouquet de chaînes de télévision. Le contrat prévoyait qu’il était conclu pour une durée initiale d’un an et serait renouvelé par tacite reconduction d’année en année, sauf notification par l’une des parties, avec un préavis de trois mois, de son intention de ne pas renouveler le contrat. Une clause précisait que le client s’engageait à verser au prestataire, en cas de résiliation anticipée du contrat pour une autre cause qu’un manquement du prestataire à une obligation contractuelle essentielle, l’intégralité du prix qu’il aurait dû payer jusqu’au terme de la durée du contrat ainsi que tous les coûts supportés par le prestataire du fait de cette résiliation.
Cette clause s’analyse en une clause pénale susceptible de révision par le juge et non en une clause de dédit : elle ne conférait en effet pas au client une faculté unilatérale de résiliation anticipée du contrat et elle était stipulée pour contraindre le client à l’exécution du contrat jusqu’à son terme et évaluer forfaitairement le préjudice subi par le prestataire.
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Un local industriel ou commercial est achevé dès qu’il peut être utilisé pour un usage quelconque
Les constructions nouvelles et reconstructions sont exonérées de la taxe foncière sur les propriétés bâties durant les deux années suivant celle de leur achèvement.
Le Conseil d’Etat juge qu’un …Les constructions nouvelles et reconstructions sont exonérées de la taxe foncière sur les propriétés bâties durant les deux années suivant celle de leur achèvement.
Le Conseil d’Etat juge qu’un local industriel ou commercial est achevé dès qu’il peut être utilisé, c’est-à-dire dès que le gros œuvre est terminé et que les principaux raccordements sont en place.
Ainsi, des bâtiments dont les travaux de gros œuvre et de raccordement aux réseaux d’eau et d’électricité sont terminés au 1er janvier de l’année N sont imposables à compter de l’année N+2. Peu importe que les travaux aient été engagés en vue d’accueillir des entreprises innovantes et que les bâtiments ne soient pas encore définitivement aménagés, faute de locataire.
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Les sommes versées en contrepartie du travail sont prises en compte pour vérifier le respect du Smic
Le salaire à prendre en considération pour vérifier que le Smic est respecté doit tenir compte, en plus du salaire de base, des avantages en nature et des majorations diverses ayant le caractère de complément de salaire, à l’exclusion des remboursements de frais, des majorations légales pour heures supplémentaires et de la prime de transport (article D 3231-6 du Code du travail).
Pour les sommes non expressément visées par l’article D 3231-6 du Code du travail, la jurisprudence considère que seules celles versées au salarié en contrepartie de son travail doivent être prises en considération. La Cour de cassation vient ainsi de décider qu’une prime de bonus déterminée en fonction du tonnage produit, auquel participe le salarié, constitue la contrepartie d’un travail et doit être prise en compte.
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Même variable, un bonus versé pendant dix ans entre dans le calcul de l’indemnité de licenciement
Le contrat de travail d’un salarié prévoyait, outre une rémunération brute annuelle, la faculté pour l’employeur de verser à l’intéressé un bonus discrétionnaire déterminé en fonction de ses résultats et de la performance de l’entreprise au cours de l’année précédente.
Le contrat de travail d’un salarié prévoyait, outre une rémunération brute annuelle, la faculté pour l’employeur de verser à l’intéressé un bonus discrétionnaire déterminé en fonction de ses résultats et de la performance de l’entreprise au cours de l’année précédente.
Ce bonus constituait-il un élément de salaire à inclure dans l’assiette de calcul de l’indemnité légale de licenciement? La réponse n’allait pas de soi. Pour la Cour de cassation, en effet, une gratification bénévole attribuée à l’occasion d’un événement unique et dont l’employeur fixe discrétionnairement les montants et les bénéficiaires n’a pas à être prise en compte dans l’assiette de calcul des indemnités de rupture (arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation 14 octobre 2009 n° 07-45.587).
La situation était ici différente dans la mesure où la possibilité de verser le bonus était contractuellement envisagée, même si l’effectivité et le montant de ce versement restaient à la discrétion de l’employeur. Dans les faits, le salarié avait, cependant, perçu un bonus chaque année sans discontinuer pendant dix ans, ce qui semblait s’opposer à ce que la gratification soit considérée comme aléatoire. Les juges du fond en avaient déduit que le bonus constituait un élément de salaire qui devait être inclus dans l’assiette de calcul de l’indemnité légale de licenciement, peu important la variabilité de son montant. La Cour de cassation approuve leur décision.
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Plus-values mobilières : la perte subie dans le cadre d’une opération exonérée est imputable
Une moins-value subie par un contribuable au cours d’une année n’est imputable que sur les plus-values de même nature réalisées la même année ou les dix années suivantes.
Une moins-value subie par un contribuable au cours d’une année n’est imputable que sur les plus-values de même nature réalisées la même année ou les dix années suivantes.
Selon l’administration, les moins-values ne peuvent, sauf exceptions, être prises en compte que pour autant qu’elles résultent d’opérations imposables.
Le Conseil d’Etat n’est pas de cet avis. Dans une décision du 4 février 2015, il juge qu’une perte subie dans le cadre d’une opération exonérée est imputable sur les plus-values réalisées par ailleurs par le contribuable.
Rendue à propos d’une moins-value résultant de cessions de participations substantielles à l’intérieur du groupe familial (régime abrogé depuis 2014), la solution vaut également pour les moins-values qui relèvent de l’ancien régime d’exonération des cessions de titres de jeunes entreprises innovantes applicable avant 2014.
Les contribuables intéressés ont donc au plus tard jusqu’en 2023 pour déduire de telles pertes.