Articles métiers
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ISF:le soutien financier d’une société holding à sa filiale ne caractérise pas son rôle d’animatrice
Les titres détenus dans une société holding animatrice sont exonérés d’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) au titre des biens professionnels. A charge pour le contribuable de prouver que la société anime effectivement le groupe.
Prouver le soutien financier accordé par le holding à sa filiale n’est à cet égard pas suffisant. Ainsi vient d’en juger pour la première fois la Cour de cassation dans le cas d’une société holding qui s’était portée caution des financements souscrits par sa filiale et qui avait conclu avec elle une convention de trésorerie : la société n’a fait qu’exercer ses prérogatives d’actionnaire sans jouer un rôle d’animatrice. Pour qu’il en soit autrement, il aurait fallu démontrer qu’elle participait activement à la gestion de la filiale en intervenant dans la détermination de ses options stratégiques ou opérationnelles.
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Un contrôleur seul ne peut pas agir en comblement du passif social par un dirigeant
La majorité des créanciers nommés contrôleurs dans le cadre de la liquidation judiciaire d’une société peut saisir le tribunal d’une action en comblement du passif par le dirigeant lorsque le liquidateur judiciaire n’a pas engagé l’action après une mise en demeure restée sans suite (art. L 651-3 du Code de commerce).
Lorsqu’un seul contrôleur a été désigné, celui-ci a-t-il qualité pour engager l’action ?
La cour d’appel de Paris a répondu par la négative en se fondant sur l’argumentation suivante. La loi spéciale déroge à la loi générale. Si l’article L 622-20 du Code de commerce autorise tout contrôleur à agir au nom et dans l’intérêt collectif des créanciers en cas de carence du mandataire judiciaire, l’article L 651-3 précité exige que l’action soit engagée par une « majorité de créanciers nommés contrôleurs ». Le législateur a entendu déroger à l’article L 622-20 en matière d’action en comblement de passif, ainsi que cela ressort des travaux parlementaires : l’auteur de la mesure a précisé qu’elle vise « à ce qu’un contrôleur ne puisse pas agir seul en poursuivant un but qui ne relèverait pas nécessairement de l’intérêt collectif mais peut-être d’un intérêt personnel ».
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Comptes inactifs, assurance-vie en déshérence : imposition lors de la restitution
A compter de 2016, banques et assureurs devront, passé un certain délai (3 ou 10 ans selon le cas), transférer à la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) les sommes inscrites sur les comptes bancaires inactifs et les sommes dues au titre de contrats d’assurance-vie non réclamés. Le bénéficiaire ou son ayant-droit aura encore 20 ans (27 en cas de décès du titulaire d’un compte bancaire) pour réclamer la restitution des avoirs avant que l’Etat ne se les approprie … mais il devra alors payer l’impôt.
Cet impôt sera acquitté aux conditions en vigueur à la date du transfert des sommes à la CDC comme si celles-ci avaient été versées à leur titulaire ou bénéficiaire légitime. En fonction de la nature et de l’origine des sommes restituées, les versements seront imposés à l’impôt sur le revenu (selon le régime des plus-values mobilières ou celui des revenus de capitaux mobiliers) ou au prélèvement sur les capitaux-décès ou encore aux droits de succession.
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Temps partiel, les heures excédant le tiers de la durée contractuelle de travail sont majorées
En principe, le nombre d’heures complémentaires effectué par un salarié à temps partiel ne doit pas excéder 1/10e de sa durée contractuelle de travail (article L 3123-17 du Code du travail). Toutefois, ce nombre peut être porté au tiers de cette durée par accord de branche étendu ou accord d’entreprise ou d’établissement (article L 3123-18 du Code du travail). Dans ce cas, les heures accomplies au-delà du 1/10e donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % (article L 3123-19 du Code du travail).
Si, bien que cela soit interdit, la durée effectuée par le salarié dépasse la limite du tiers, les heures effectuées au-delà de ce plafond bénéficient-elles de la majoration de 25 % ? Pour répondre à cette question, la Cour de cassation rappelle que toutes les heures effectuées au-delà de la durée prévue au contrat sont des heures complémentaires (Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation 7 décembre 2010 n° 09-42.315). Elle en déduit que toutes les heures excédant la limite de 1/10e, y compris celles excédant la limite du tiers, sont soumises à la majoration légale de 25 %.
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Une société et son associé jugés fautifs pour violation d’une clause de confidentialité d’un pacte
Un pacte conclu entre les fondateurs et les dirigeants d’une société leur interdisait de concurrencer celle-ci ou de porter atteinte à ses activités. Un dirigeant avait participé en tant que consultant à un audit qu’un partenaire commercial de la société menait sur les conditions d’exécution du partenariat. L’un des fondateurs avait informé la société que cette participation méconnaissait la clause de non-concurrence. La société avait alors adressé un courrier au dirigeant lui rappelant les termes du pacte et le mettant en demeure de cesser sa participation à l’audit et elle avait envoyé une copie de ce courrier au partenaire.
Le dirigeant avait alors fait valoir que cette double communication violait la clause de confidentialité du pacte par laquelle chaque signataire s’interdisait de divulguer le contenu du pacte aux tiers sans l’accord des autres, sauf si cette divulgation était nécessaire pour contraindre un signataire à exécuter ses engagements.
La cour d’appel de Paris a jugé que la société avait commis une faute engageant sa responsabilité délictuelle envers le dirigeant en communiquant la teneur de la clause de non-concurrence au partenaire sans attendre la réponse du dirigeant à la mise en demeure ou sans établir le refus de ce dernier d’exécuter ses engagements. Cette faute n’ayant pu être commise qu’en raison de la révélation faite à la société par le fondateur, la responsabilité contractuelle de celui-ci à l’égard du dirigeant a également été retenue.
Par suite, la cour a condamné solidairement le fondateur et la société à verser au dirigeant un euro de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral (contre 10 000 € en première instance).
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C’est à l’expert-comptable du comité d’entreprise de déterminer les documents utiles à sa mission
L’expert-comptable désigné par le comité d’entreprise (CE) pour procéder à l’examen annuel des comptes peut-il réclamer à l’employeur la production de documents comptables afférents à l’année N – 2 ?
Une cour d’appel avait répondu par la négative : selon elle, l’étude éclairée des comptes d’une année N justifie la mise à disposition des comptes de l’année N – 1, mais pas de l’année N – 2, sauf si le CE et l’expert établissent que la situation de l’entreprise a changé entre N – 2 et N – 1.
La Cour de cassation censure sa décision, confirmant ainsi une jurisprudence constante. Car l’article L 2325-37 du Code du travail est clair : l’expert-comptable qui assiste le CE a, pour opérer toute vérification ou tout contrôle entrant dans l’exercice de ses missions, accès aux mêmes documents que le commissaire aux comptes. C’est donc à lui, et à lui seul, de déterminer ce dont il a besoin, sauf abus caractérisé, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.
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Pas de constitution de partie civile d’une association en cas de préjudice indirect
L’atteinte portée à la réputation d’une association par les agissements criminels de son salarié ne constitue qu’un préjudice indirect. L’association ne peut donc pas se constituer partie civile pour en obtenir réparation.
Une association peut se constituer partie civile pour demander réparation du dommage qui lui est causé par une infraction.
En l’espèce, une association qui gère un établissement spécialisé accueillant des personnes atteintes de graves handicaps psychologiques ou moteurs s’est constituée partie civile au cours de l’information ouverte contre l’un de ses salariés, accusé du viol de plusieurs résidentes de l’établissement.
Jugé que le préjudice subi par l’association du fait de l’atteinte portée à sa réputation par les agissements criminels de son salarié ne constitue qu’un préjudice indirect rendant irrecevable sa constitution de partie civile.
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Des biens se trouvent « en nature » si leur substance n’est pas modifiée
En cas de procédure collective de l’acheteur, le vendeur demeuré impayé peut revendiquer les marchandises vendues avec une clause de réserve de propriété à la condition qu’elles se retrouvent en nature au moment de l’ouverture de la procédure (articles L 624-16, L 631-18 et L 641-14 du Code de commerce).
La condition d’existence en nature s’entend de la conservation de la marchandise dans son état initial. Par suite, des alevins de daurade royale livrés avant l’ouverture de la procédure collective de l’acheteur et trouvés sous forme de daurades au jour de cette ouverture existaient en nature, alors même qu’ils avaient pris du poids après leur livraison, cette prise de poids n’en ayant pas modifié la substance.
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Cautionnement : la mention manuscrite l’emporte sur celle dactylographiée
Toute personne physique qui s’engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature d’une mention manuscrite définie par la loi (article L 341-2 du Code de la consommation).
La Cour de cassation a jugé que le formalisme imposé par ce texte vise à assurer l’information complète de la caution quant à la portée de son engagement et que les mentions manuscrites conformes à ce formalisme l’emportent nécessairement sur les clauses imprimées de l’acte de caution.
Par suite, une caution fait valoir en vain que la mention portée de sa main précisant qu’elle s’engage pour trois ans doit être interprétée au regard de la clause dactylographiée de l’acte stipulant un engagement d’une durée d’un an puisque que la mention manuscrite exprime sans équivoque son intention.
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Taxe d’habitation due par le propriétaire de meublés faisant l’objet d’une location saisonnière
Des contribuables ayant leur résidence principale dans une station thermale louent aux curistes, en saison, plusieurs studios meublés dont ils sont propriétaires dans la même station.
Ils contestent leur assujettissement à la taxe d’habitation pour ces studios et obtiennent gain de cause devant le tribunal administratif : celui-ci se fonde sur le fait que les biens concernés ne font pas partie de l’habitation personnelle des intéressés et sont passibles de la cotisation foncière des entreprises.
Censure du Conseil d’Etat : la taxe d’habitation est due par le propriétaire d’un logement meublé qui au 1er janvier de l’année d’imposition doit être considéré comme ayant entendu conserver la disposition ou la jouissance de ce local. Tel est le cas s’il l’occupe ou le fait occuper gracieusement une partie de l’année, même si le local est mis temporairement en location (le cas échéant sans intervention d’un intermédiaire) et assujetti à ce titre à la cotisation foncière.
La Haute Assemblée renvoie donc aux premiers juges le soin de rechercher si, en l’espèce, les studios étaient occupés par les propriétaires ou par leurs proches en dehors des périodes de location.